
Dans les articles qui vont suivre je vais vous montrer le rôle prépondérant qu'ont joué la Meuse et Verdun dans la Révolution Française. Pour commencer, voici l'épisode mémorable de la fuite du roi et de son arrestation à Varennes-en-Argonne. Et oui, pour ceux qui l'ignoraient : Varennes-en-Argonne se trouve en Meuse...
Petit rappel historique : en mai 1789 la France se trouve encore sous l'Ancien Régime, le marasme économique est tel que le roi, Louis XVI, accepte de réunir les trois ordres (Aristocratie, Clergé et Tiers Etat) au sein des Etats Généraux. Le Tiers Etat (la petite bourgeoisie) obtient que les votes se fassent dorénavant par tête et non plus par ordre, et devient ainsi majoritaire. Le 17 juin on assiste à la suppression des ordres et à la création de l'Assemblée Nationale. Le 9 juillet l'assemblée se réunit à Versailles et se proclame Assemblée constituante. Le roi n'aime pas trop l'idée mais il cède. A partir de maintenant c'est l'assemblée nationale, et par sa voix le Peuple, qui fait la loi.
La Bastille est prise le 14 juillet 1789 ; ce fait d'arme quelque peu inutile mais fortement symbolique marque le début officiel de la Révolution française. Les privilèges sont abolis le 4 août 1789 (pile-poil 216 ans avant mon mariage !), la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen est adoptée le 26 août, le Roi de France devient le roi des Français et se retrouve à appliquer les lois constitutionnelles depuis le Palais des Tuileries. Le 14 juillet 1790 le roi assiste à la
Fête de la Fédération et prête serment à la constitution fraîchement établie.
Tout aurait pu se passer pour le mieux dans la meilleure des monarchies constitutionnelles possible mais Louis XVI, en bon chrétien, n'apprécie pas trop la politique anti-religieuse des députés (suppression de la dîme, nationalisation des biens du clergé, etc.) et il espère bien, d'une façon ou d'une autre, récupérer ses pouvoirs perdus. Il décide donc, sur les conseils d'un certain
Mirabeau et avec l'aide d'
Axel de Fersen de quitter Paris pour se rendre à Montmédy. Le plan est simple : Montmédy est le quartier général du marquis de Bouillé dont les troupes sont dévouées à la monarchie. Le roi espère ensuite pouvoir marcher sur Paris et écraser la Révolution dans l'oeuf.
Dans la nuit du 20 au 21 juin 1791, voilà donc le roi qui prépare son baluchon et qui demande à sa petite famille de faire de même. Et hop ! Louis XVI, Marie-Antoinette, leurs deux enfants et leur gouvernante, ainsi que la soeur du roi embarquent séparemment à bord d'une berline et d'un cabriolet, avant de se rejoindre dans la berline à Claye-Souilly (77).
Afin de passer inaperçus chaque membre du convoi avait une identité d'emprunt : les enfants royaux et leur gouvernante devenaient la baronne de Korff et ses deux filles (le Dauphin étant déguisé en demoiselle pour l'occasion). Louis XVI et sa soeur se transformaient en intendant (M. Durand) et en dame de compagnie de la baronne, et Marie Antoinette d'Autriche prenait le rôle de gouvernante (Mme Rochet). Et pour ne pas attirer l'attention, la berline était tirée par six chevaux, privilège réservé au roi. Faut quand même être un peu couillon...
De son côté, Bouillé envoie des Dragons et des hussards à la rencontre du roi pour sécuriser la route.

Au petit matin, la disparition de la famille royale est constatée et Marie-Joseph Paul Yves Roch Gilbert du Motier, que les livres d'Histoire retiendront sous le pseudonyme de
Marquis de La Fayette, envoie des courriers un peu partout pour ordonner l'arrestation des fuyards, tandis que l'assemblée constituante, pour faire bonne figure, annoncera officiellement que le roi a été enlevé.
La famille royale, de son côté, flâne, s'arrête pour pique-niquer et cueillir des fleurs des champs (la vitesse moyenne du périple ne dépassera pas 11km/h). Tant est si bien qu'à la nuit tombée la berline des fuyards n'arrive qu'à Sainte-Ménéhould (prononcer "Menou") où elle attire l'attention du responsable du relais, Jean-Baptiste Drouet, qui avait vécu quelques temps à Versailles et qui connaissait un peu la trombine du futur décapité. Mais le carrosse ne fait qu'une rapide pause et file déjà vers la Meuse. Drouet alerte la municipalité et il reçoit la mission de galoper jusqu'au poste suivant afin d'y faire stopper le roi.
Il se dirige donc avec son copain Guillaume vers la forêt d'Argonne, passe Les Islettes et entre le premier dans Varennes (
Google Maps). Là, Drouet alerte les habitants et le procureur de la commune (l'épicier Sauce) et la petite troupe se préparent à accueillir ses invités de marque en barricadant le pont sur l'Aire, passage obligé vers Montmédy. La berline arrive vers 23h30 et se retrouve stoppée bien avant la barricade, au niveau de l'église Saint-Gégoult qui enjambe la rue (il n'en reste aujourd'hui que la tour sur la photo).
Les passagers, rapidement confondus, sont invités à descendre de voiture et passeront la nuit de la fête de la musique dans la maison du procureur Sauce, encerclée par la garde nationale et par des milliers de curieux attirés par le tocsin qui retentit. Les Dragons envoyés par Bouillé préfèrent retourner leur veste et, dès le lendemain matin, le roi et sa famille reprennent la route de la capitale, escortés par trois députés, la garde nationale varennoise, des Dragons et des milliers de badauds en colère.
La fuite du roi et son arrestation à Varennes-en-Argonne marquent un tournant dans la Révolution : la confiance entre le souverain et son peuple est définitivement rompue. Louis XVI est provisoirement destitué de ses pouvoirs, et la famille royale est assignée à résidence au Palais des Tuileries, et placée "sous la surveillance du Peuple".
A suivre...
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