
Isidore (1812-1860), malgré un deuxième prénom ridicule qui lui vaudra les moqueries de ses petits camarades de classe (Eusèbe), fera lui aussi une carrière politique. La France se trouve dans une période charnière de l'Histoire puisque la Monarchie de Juillet, dirigée par Louis Philippe, vient de tomber sur les barricades républicaines de la révolution française de 1848. Isidore, alors avocat, force les autorités de Verdun à reconnaître la République. Il est nommé sous-commissaire du Gouvernement provisoire à Verdun puis élu Représentant du Peuple de la Meuse en 1848. Membre de l'assemblée constituante, il participera donc à la rédaction d'une nouvelle Constitution pour la IIe République encore balbutiante. Laissez moi maintenant vous conter comment il faillit entrer dans l'Histoire.
Dans cette période troublée de l'Histoire de France où l'on changeait de régime politique comme de chemise il n'était pas rare que les prisonniers politiques soient menacés de déportation voire d'exécution. Dans ces conditions l'article 5 du projet de constitution proposait que "la peine de mort [soit] abolie en matière politique". Isidore Buvignier proposa alors un amendement visant à supprimer les mots "en matière politique" ce qui aurait eu pour conséquence d'abolir la peine de mort également pour les crimes de droit commun. Cet amendement sera soutenu par une brochette de députés parmi lesquels Victor Hugo, Lamartine, Ledru-Rollin, Edgar Quinet, Carnot et Waldeck-Rousseau (excusez du peu !). Mais bon... comme vous vous en doutez, l'amendement sera rejeté et il faudra attendre 133 ans avant que le projet d'Isidore Buvignier se concrétise. Et les lauriers seront remis à Robert Badinter.
Isidore passa le reste de sa vie à lutter contre le retour au pouvoir de Louis Napoléon Bonaparte et fut naturellement condamné au bagne à Cayenne lorsque ce dernier réussit son coup d'état en 1851 et instaura le Second Empire. Isidore se réfugia alors en Belgique et mourru quelques années plus tard en France d'une maladie contractée en exile.
Franchement, je trouve que ce Buvignier là mériterait bien d'avoir son nom gravé au frontispice d'un collège. Mais c'est sans compter sur le troisième frère Buvignier, Charles, dont je vous raconterai la vie demain...
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