
En sortant de Dun-sur-Meuse en direction de Stenay j'avais remarqué, il y a quelques temps déjà, les vestiges de deux ponts perdus quelque part entre la route et la Meuse. C'est donc avec curiosité que nous sommes partis à leur découverte l'appareil photo en bandoulière (j'ai mis "en bandoulière" pour donner un côté baroudeur à notre épopée mais en vrais nos petits compacts étaient dans nos poches).
Le premier pont (que vous pouvez voir sur le
blog Casy-Parfait) se situe sur la commune de Dun-sur-Meuse. Il en reste trois arches qui ne surplombent que des champs (sûrement inondés en période de crue). Ce qui reste de l'autre pont se trouve sur le territoire de Sassey-sur Meuse. On imagine facilement qu'une grande partie de cet ouvrage de béton a disparu entre ce que l'on voit sur cette photo et les quelques arches qui se trouvent encore un peu plus loin sur la droite (et que vous pouvez admirer sur une autre page du
blog Casy-Parfait).
Mais en les voyant si majestueux dans la campagne on ne peut que se demander ce qu'ils font là (en tout cas c'est la question que je me pose). S'agissait-il de ponts routiers ? De voies de chemin de fer ? Ces ponts ont-ils été détruits ou n'ont-ils tout simplement jamais été achevés ? Après des jours de recherche sur Internet et quelques messages électroniques envoyés à droite et à gauche je peux enfin épancher votre soif de savoir.

Ces ruines sont les vestiges de la ligne de chemin de fer dite "radiale stratégique" qui reliait Marcq-Saint-Juvin (08) à Barancourt (55). Bien qu'elle avait tout pour réussir (de belles courbes, des raccordements avec d'autres lignes, et surtout de nombreux ouvrages d'Art afin d'éviter les passages à niveau), elle n'a jamais rencontré le succès escompté. Certains diront que c'est la faute à pas d'chance mais il faut bien avouer que faire passer un train au milieu de nulle-part n'était pas forcément la panacée pour développer le trafic.
La construction de la ligne est décidée au début des années 20 et c'est en 1931 qu'est donné le premier coup de pioche. Il faudra ensuite attendre le 12 avril 1935 pour que le premier train empreinte le "pont des 60 mètres" (celui dont il ne reste plus qu'une pile au milieu de la Meuse). Mais ni touristes ni marchandises à l'horizon puisque seuls les trains militaires circuleront sur cette voie. A partir de septembre 1939 la ligne stratégique servira à acheminer le matériel nécessaire à la ligne Maginot puis, occupation oblige, elle sera entièrement démantelée par les méchants allemands qui souhaitent réutiliser le matériel de voie sur le front de l'Est.
Après la guerre, cette ligne, jugée inutile, ne sera jamais remise en état et finira par être déclassée par tronçons de 1951 à 1954. Il n'en subsiste aujourd'hui que quelques ruines, quelques courbes noires discontinues sur les cartes IGN, et de rares articles parus dans la revue "Terres Ardennaises" consultables au CRDP de Reims. L'un d'entre eux a un titre accrocheur :
Une ligne mystérieuse, une ligne éphémère : la "ligne stratégique" : Marcq St-Juvin, Dun - Doulcon - Baroncourt.