Dans l'
article précédent nous avions laissé la ville de Verdun aux mains des prussiens. Nous sommes alors le 2 septembre 1792 quand le Général Kalkreuth entre en ville pour régler les formalités administratives de la reddition. Et tout à coup c'est le drame ! (on se croirait dans une émission de Julien Courbet). Au moment où la délégation prussienne s'apprête à quitter la ville un coup de feu retentit et un des lieutenants (un hussard ayant rejoint le camps prussien) tombe à terre.
La rumeur court alors que l'armée prussienne va raser la ville, et la municipalité envoie rapidement quelques représentants au quartier général ennemi afin de proposer des réparations convenables. Devant le refus prussien, la municipalité décide, en dernier recours, d'envoyer une délégation moins officielle au roi de Prusse : dix-sept jeunes femmes chargées de lui remettre, entre autres, une superbe corbeille de dragées de Verdun (
Braquier existe depuis 1783). Mais Frédéric Guillaume, le roi de Prusse, ne les recevra même pas.
Et l'armée prussienne continua sa marche sur Paris.
Contre toute attente, elle fût stoppée par Kellermann à
Valmy le 20 septembre 1792, et ce dernier reprendra possession de Verdun le 14 octobre 1792. "Vive la Révolution !" crient alors les habitants de Verdun fous de joie.
Mais avec la guerre qui fait rage et les rumeurs récurrentes de complots contre-révolutionnaires les premiers tribunaux révolutionnaires sont créés et la
Terreur se met en place. Louis XVI est guillotiné le 20 janvier 1793, et en février les partisans de la Terreur, qui avaient besoin de trouver des responsables "contre-révolutionnaires" à la déroute de Verdun, écrivent alors leur version de l'histoire.
Pour eux, la population verdunoise avait pactisé avec l'ennemi. Des verdunoises, aguichantes et royalistes de surcroît, avaient revêtu leurs plus beaux habits pour fêter l'arrivée des prussiens qu'elles ont accueillis avec de riches présents. Un bal avait même été organisé ; un bal auquel aurait participé le roi de Prusse en personne.
Trente-cinq individus seront condamnés à mort par le tribunal révolutionnaire pour avoir «conspiré contre le peuple français, en entretenant des intelligences et correspondances avec les ennemis de la France, tendant à favoriser leur entrée dans la forteresse de Verdun aux troupes prussiennes». Parmi ces individus on dénombre six femmes et huit jeunes filles, âgées de quinze à vingt-quatre ans. Seules les deux plus jeunes échapperont à la guillotine, leur peine étant commuée en vingt ans de détention.
Toutes ces têtes tomberont au fond d'un panier révolutionnaire le 26 avril 1794.
Cet épisode de la Terreur, inspirera malheureusement plus d'écrivains et de poètes que d'historiens, ce qui explique les nombreuses divergences et exagérations dans les récits qui nous sont proposés. Victor Hugo écrira qu'on a guillotiné une enfant de treize ans, tandis que d'anciens partisans de la Terreur affirmeront qu'aucune des femmes guillotinées n'avait moins de quarante ans. L'imagerie romantique de l'époque en fera des vierges (à cause des vêtements blancs qu'elles portaient en montant sur l'échafaud), et aujourd'hui encore il est difficile de démêler le vrai du faux dans cette histoire qui a inspiré tant d'oeuvres littéraires.
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