13 novembre 2009
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17:00

« Ma petite femme adorée,
Nous avons, comme je te l'ai dit, subi un échec, tout mon bataillon a été pris par les Boches, sauf moi et quelques hommes, et maintenant on me reproche d'en être sorti, j'ai eu tort de ne pas me laisser prendre également. Maintenant, le colonel Bernard nous traite de lâches, les deux officiers qui restent, comme si à trente ou quarante hommes, nous pouvions tenir comme huit cents. Enfin, je subis mon sort, je n'ai aucune honte, mes camarades qui me connaissent savent que je n'étais pas un lâche. Mais avant de mourir, ma bonne Fernande, je pense à toi et à mon Luc. Réclame ma pension, tu y a droit, j'ai ma conscience tranquille, je veux mourir en commandant le peloton d'exécution devant mes hommes qui pleurent. Je t'embrasse pour la dernière fois, comme un fou : Crie, après ma mort, contre la justice militaire, les chefs cherchent toujours des responsables ; ils en trouvent pour se dégager.
Mon trésor adoré, je t'embrasse encore d'un gros baiser, en songeant à tout notre bonheur passé, j'embrasse mon fils aimé, qui n'aura pas à rougir de son père qui avait fait son devoir. De Saint-Roman m'assiste dans mes derniers moments, j'ai vu l'abbé Heintz avant de mourir. Je vous embrasse tous. Toi encore, ainsi que mon Luc.
Dire que c'est la dernière fois que je t'écris.
Oh ! Mon bel ange, sois courageuse, pense à moi, et je te donne mon dernier et éternel baiser.
Ma main est ferme, et je meurs la conscience tranquille.
Adieu, je t'aime.
Je serai enterré au bois de Fleury, au nord de Verdun. De Saint-Roman pourra te donner tous les renseignements.
Henri Herduin »
Dernière lettre de Gustave Henri Herduin, 11 juin 1916