24 novembre 2008
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Le Maire de Verdun a adressé une lettre aux parents d'élèves du Collège Barrès afin de leur expliquer pourquoi il était dans l'intérêt des enfants de fermer leur collège.
L'argumentation s'appuie sur des chiffres, qualifiés de "dramatiques", tendant à montrer que les élèves de 3ème à Barrès ont 3 fois moins de chance que ceux de Buvignier d'accéder en Terminale. D'après cette lettre, les élèves ayant quitté le collège Barrès en 2003 ne seraient ainsi que 14,7% à avoir accédé à une Terminale Générale ou Technologique en 2006.
Vous me connaissez, je suis curieux, alors j'ai recherché ces chiffres sur le site de l'académie Nancy-Metz. Mais je ne les ai malheureusement pas trouvé (si quelqu'un peut m'indiquer la source de la Mairie je suis preneur).
Par contre les données officielles de l'académie indiquent que 80,6% des élèves entrés en 6ème à Barrès en 2003 ont accédé au second cycle en 2008 (contre seulement 79,0% pour Buvignier). Le site académique précise également que le taux attendu pour Barrès n'était que de 76,1%, ce qui tend à montrer l'efficacité du classement en ZEP de ce collège.
Parmi les élèves de 3ème générale qui sortent du collège Barrès, 56,3% choisissent alors la filière Générale et Technologique (contre 56,2% pour Buvignier).
Les données officielles nous informent également sur le devenir de ces élèves entrés en 2nde Générale et Technologique en 2007. Et là, surprise ! Ceux de Barrès sont 7,1% à avoir redoublé leur seconde, alors que ceux de Buvignier sont 13,6%. Au final, les élèves de Barrès orientés vers une 2nde sont 85,7% à passer en 1ère Générale ou Technologique sans redoubler leur 2nde (contre seulement 81,5% pour ceux de Buvignier). Oui, vous avez bien lu : les élèves de Barrès réussissent mieux en 2nde que leurs copains de Buvignier !
Quant aux élèves qui avaient préféré s'orienter vers une filière professionnelle à la sortie du collège, ils sont 10% à abandonner leurs études à la fin de la seconde lorsqu'ils viennent de Buvignier (contre seulement 4,8% pour Barrès). Mais de ceux-là, le Maire n'en parle pas.
Même si je ne les ai pas trouvées, je ne remets pas en cause les (vieilles) statistiques fournies par le Maire sur les élèves sortis de Barrès en 2003, mais les données officielles et récentes du site académique concernant les élèves sortis de Barrès en 2007 sont très proches de celles des élèves de Buvignier, et même souvent meilleures. Elles ne peuvent donc pas être une justification à la fermeture du Collège Barrès.
Voilà pour la bataille de chiffres (pour les plus sceptiques, voici les statistiques de Barrès et de Buvignier, année de référence 2008, que vous pouvez retrouver directement sur le site de l'académie).
Passons maintenant aux éléments qui m'ont le plus choqué.
Premièrement, la mise en avant de "l'Intérêt des enfants" (avec un "i" majuscule) pour justifier, non pas la création ou l'aménagement, mais la fermeture d'un établissement scolaire. J'ai du mal à croire que surcharger le collège Buvignier (qui accueille déjà 573 élèves) et le collège St Exupéry de Thierville (complet avec ses 427 élèves) soit une chance pour les élèves. J'ai également du mal à croire que les collégiens de Barrès réussiront mieux si on supprime les aides spécifiques dont ils bénéficient actuellement par le biais du classement en ZEP.
Deuxièmement, l'idée que le déficit de mixité sociale, jugé responsable des résultats prétendus insuffisants des élèves de Barrès, puisse être réglé par "le regroupement stimulatif des élèves de Barrès sur Buvignier".
D'une part, la mixité sociale ce n'est pas aller étudier dans les beaux quartiers et retourner dormir dans sa cité. La mixité sociale ne se décrète pas, elle se construit dans le cadre d'une politique d'urbanisation cohérente, par exemple en modifiant la sectorisation scolaire comme le préconise le "rapport sur la mixité scolaire à l'école et au collège" de mars 2002, sûrement pas en fermant un collège.
D'autre part, il reste à déterminer quel pourrait être l'effet d'une augmentation de la mixité sociale à l'intérieur d'un collège sur les résultats scolaires des élèves. En clair, envoyer les enfants du quartier des Planchettes étudier dans le centre ville changera-t-il quelque chose au fait que les enfants de cadres sup ont 8 fois plus de chance d'obtenir le Bac S que les enfants d'ouvriers ? Pour vous éclairer sur cette question ô combien complexe je vous invite à lire cet article d'un chercheur en économie publique (pour ceux qui n'ont pas envie de lire ce long article, la réponse de l'auteur est "pas vraiment, l'environnement familliale compte pour beaucoup, et il serait plus efficace de réduire le nombre d'élèves par classe, et de développer l'accompagnement scolaire dans les établissements où se concentre l'échec scolaire").
Enfin, la lettre du Maire se termine par un rappel : la décision de fermeture du collège n'appartient pas à la ville de Verdun mais au Conseil Général. Précisons seulement que cela ne doit pas empêcher la municipalité de défendre les intérêts de ses concitoyens, et en particulier les plus jeunes.
Ça m'embête d'être obligé d'écrire ce genre d'article. Je préférerais me concentrer sur les paysages bucoliques et le patrimoine meusien mais, que voulez-vous, j'aime ma ville (oui, je dis ma ville, même si ça ne fait pas longtemps que j'y habite) et j'ai envie de l'aimer encore autant dans quelques années...
Pour en savoir plus :
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